Cet événement est organisé dans le cadre du programme de recherche labellisé DOPONUM, porté par Antony Fiant, professeur à l'Université Rennes 2 (EA 3208 APP).
Cette journée d’étude voudrait questionner la manière dont l’art documentaire, loin du traitement médiatique usuel, rend compte d’un fait politique majeur et incontournable de notre époque, celui des migrations de populations de tous âges et de toutes conditions, pour des raisons politiques, économiques et/ou environnementales, à l’échelle mondiale. La journée se focalisera sur deux phases précises, celles du déracinement et de la reconstruction. En effet, si nombre de documentaires consacrés à différentes migrations contemporaines montrent des migrants en phase de transit, sur le chemin de l’exil ou dans des camps aux statuts divers, plus rares sont ceux qui se focalisent sur les phases du déracinement ou de la reconstruction.
La première semble la phase privilégiée pour déterminer les causes de la migration, la seconde celle de ses conséquences ou de sa finalité. Le déracinement est rarement filmé directement, faisant le plus souvent l’objet de récits au passé, de souvenirs, de réminiscences, ou encore de retours sur les lieux originels de la migration, parfois sous la forme de songes. On sait l’issue dramatique de nombreuses migrations contemporaines, notamment en mer Méditerranée. Parler de reconstruction pourrait dès lors sembler déplacé, d’autant qu’elle apparait le plus souvent comme incertaine ou provisoire. Cependant, des artistes ont pu, sans verser bien sûr dans l’optimisme à tout crin, témoigner de situations où des migrants se reconstruisent, au prix de nombreuses vicissitudes, d’errances et de recommencements, pour entamer une nouvelle vie conditionnée par l’insertion sociale et économique.
Comment représenter l’origine d’un mouvement migratoire ? Comment dire l’arrachement ? L’imaginaire de la résistance ? Comment rendre compte d’une hypothétique reconstruction ? Quelles pratiques et techniques pour cela ? Quelle place pour l’auteur des images ? Quelles sont les modes de diffusion de ce type d’images documentaires ? Quel impact sur la conscience des spectateurs de ces œuvres ? Telles sont quelques-unes des questions que cette journée d’étude voudrait privilégier.
Vendredi 16 octobre 2020
09:00 > 9:15 Accueil
09:15 > 09:30 Ouverture par Antony Fiant
09:30 > 11:05 Projection de A Lua Platz de Jérémy Gravayat (2018) – 95 mn
© Survivance / L’image d’après
A la croisée du déracinement et de la reconstruction A Lua Platz est situé aux marges d’une banlieue parisienne en grande mutation. Le cinéaste y filme – selon diverses modalités (témoignages directs, recours à l’archive, récits en voix off…) et différents supports (numérique et super 8, couleur et noir & blanc) – quelques familles roumaines cherchant des lieux où vivre et travailler.
11:05 > 12:15 Rencontre avec Jérémy Gravayat animée par Dominique Maliesky (Sciences Po Rennes)
12:15 > 13:45 Pause déjeuner
[Chaque intervention de 30-35 minutes est suivie d’un temps d’échange de 10-15 minutes]
13:45 > 14:30 Cécile Ibarra (Artiste plasticienne et réalisatrice)
Overseas de Sung-A Yoon : une « préparation » à l’exil
A partir du film Overseas (Sung-A Yoon, 2019), qui explore le système de formation institutionnalisé de la main d’œuvre philippine, ma proposition s’articule autour de la phase qui précède l’exil. Celle qui témoigne des déclencheurs du départ mais qui révèle également les conditions d’arrachement qu’elle génère. Dans son recours à la mise en situation par le biais de saynètes et de jeux de rôles, le film permettra également d’interroger les codes du cinéma et l’usage du genre.
14:30 > 15:15 Robert Bonamy (Maître de conférences en cinéma – Université Grenoble Alpes)
Après L’Héroïque Lande – la frontière brûle de Nicolas Klotz & Elisabeth Perceval : nouvelles constructions filmiques
L’Héroïque lande - La Frontière brûle, long métrage documentaire réalisé par Elisabeth Perceval et Nicolas Klotz, sorti en salle en 2018, montre dans l’une de ses parties la destruction de la « Jungle » de Calais. Il s’agit pour cette intervention de réfléchir de manière documentée à l’entreprise des cinéastes, en insistant sur le film actuellement en création et qui vient après L’Héroïque lande. Pour le moment intitulé L’Archipel. Et toujours repousse l’herbe par-dessus les frontières, ce film au travail retrouve dans son premier mouvement la lande de Calais, désormais interdite aux vies réfugiées et devenue une zone en « renaturation ». L’Archipel s’écrit et se tourne en plusieurs mouvements (ou « bobines », ainsi que les nomme le couple de réalisateurs) qui concernent la pensée de ce qui a eu lieu, mais aussi de ce qui vient : des vies et du cinéma qui se construisent.
15:15 > 15:30 Pause
15:30 > 16:15 Adrien-Gabriel Bouché (Doctorant en cinéma – Université Rennes 2)
Déracinement et reconstruction du souvenir dans L’image manquante et Exil de Rithy Panh
L’Image manquante (2013) et Exil (2016) pourraient probablement être perçus comme un diptyque, deux parties d’une seule et même réflexion liée à la notion de « souvenir ». Cette communication cherchera à mettre en évidence, via une approche esthétique de ces deux œuvres, la façon dont Rithy Panh déracine et reconstruit la mémoire, collective et surtout personnelle pour tenter de (re)donner vie au passé vécu, à l’infilmé et parfois à l’indicible.
16:15 > 17:00 Jacopo Rasmid (Maître de conférences en études italiennes, arts visuels et société - Université Jean Monnet, Saint-Etienne )
Personnes sans identité : Contre-fictions documentaires pour ceux qui demeurent
L’état d’urgence des frontières impulse des identifications génériques et hâtives où les sujets en migration sont figés (fictions) : autant pour le meilleur (dénonciation militante), que pour le pire (capture militaire et médiatique). La création documentaire, peut-elle s’installer dans des espace-temps alternatifs pour contre-fictionner la réalité ainsi fixée ? Il s’agira d’évoquer quelques films (La Vie de château de Frédérique Devillez, Gladeema de Djamila Daddi-Haddoun et Fabien Fischer, Le bel été de Pierre Creton) constituant autant de demeures où ces vies dépouillées de forme jouissent à nouveau de la puissance de leur être-apparence (personae).
17:00 Fin de journée