Notre invitée ce mois-ci est Caroline Muller, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Rennes 2. Autrice d’un carnet de recherches en ligne intitulé Acquis de conscience, elle nous parle de son ouvrage Au plus près des âmes et des corps, publié aux PUF en avril 2019. Répondant aux interrogations de Colette David et Christian Le Bart, elle nous invite à découvrir comment elle a choisi cet objet de recherche : la direction de conscience. Dans cette émission réalisée par Lucie Louâpre, elle nous plonge au cœur de l’intimité de ces femmes et de ces hommes et de cette pratique religieuse.
Caroline Muller s'est plongée dans les méandres de ces échanges confidentiels du catholicisme, soit un millier de lettres, une douzaine de correspondances entre des personnes (principalement des femmes) et leurs directeurs de conscience, sur une période qui s’étend de 1840 à la veille de la première guerre mondiale. Pour cela, elle s’est tournée vers les archives de communautés religieuses comme celle des Jésuites. Une chose est sûre, jamais vous n’avez pu approcher d’aussi près ce qui trottait dans la tête des femmes dirigées de l’époque.
En quoi la direction de conscience diffère-t-elle de la confession pratiquée entre les murs de l’église ? Quelles questions intimes et sociales se glissent entre les lignes de ces échanges épistolaires ? Quel intérêt y trouvent les femmes au-delà du contrôle supplémentaire sur leurs vies que représente la direction de conscience ? Certains hommes font aussi appel à un directeur de conscience, est-ce-que cela fonctionne alors de la même façon ? Enfin, quelle relation se noue entre le ou la dirigé.e et son directeur ?
La direction de conscience, une pratique élitiste et libératrice par certains aspects pour ces femmes …. Mais il sera question également des souffrances parfois exprimées dans ces échanges entre directeurs de conscience et femmes dirigées, ainsi que de la place des époux dans cette pratique. Un livre tour à tour drôle, touchant mais aussi tragique qui évoque particulièrement bien l’ambivalence de ces pratiques et le poids de la société.
Caroline Muller est agrégée et maîtresse de conférences à l'université Rennes 2. Membre du laboratoire TEMPORA (EA 7468) ses recherches portent sur l’histoire de la France dans la seconde moitié du XIXe siècle, particulièrement sur l’histoire du genre et du catholicisme.
Pour en savoir plus
Depuis l'avènement et le développement de la psychologie, les sociétés contemporaines ont compris les vertus thérapeutiques de la parole, du récit de soi à un autre. Dès le XIXe siècle cependant, des hommes et des femmes ont pour habitude de livrer le récit de leur vie personnelle à un directeur de conscience à qui l'on confie ses tourments intimes. On évoque avec lui ce dont on ne peut parler ailleurs : les secrets de l'âme et du corps.
De son côté, le directeur doit guider sur la voie du progrès moral. Bien loin cependant de toujours se soumettre à cette exigence de progrès, hommes et femmes dirigés y voient une occasion de parler d'eux-mêmes et de s'observer, d'ouvrir une " chambre à soi " : les femmes y content les pesanteurs de la vie conjugale et domestique, les hommes leur difficulté à remplir leurs devoirs : se marier, entretenir une famille.
Préoccupations morales et spirituelles, inquiétudes existentielles, désirs de liberté se lisent dans ces lettres qui portent bien souvent la mention " à brûler ".
Chaque mois « Chercheurs en ville » vous donne rendez-vous pour découvrir des thématiques d’actualité autour des questions et des débats de société. Leurs regards croisés au carrefour de la recherche universitaire et du journalisme permettront de découvrir et de comprendre les travaux de chercheurs bretons en sciences humaines et sociales.
Chercheurs en ville, est une émission de radio créée en partenariat par la Maison des sciences de l’homme en Bretagne et la radio Canal B. L’équipe est composée de Christian Le Bart, professeur de science politique et chargé de médiation scientifique pour la MSHB, de Lucie Louâpre, journaliste à Canal B et réalisatrice de l’émission et de Colette David, ancienne journaliste à Ouest-France.
Diffusée sur la radio Canal B, elle est ensuite disponible en podcast sur le site de la MSHB, de Canal B et de l’Aire d’U.
Émission diffusée le 17/01 à 13h sur Canal B